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Photo du rédacteurNicolas J. Preud'homme

Personne n'a le monopole de la foi

Bien que chrétien et soucieux de l'annonce de l’Évangile, j'éprouve une certaine lassitude à entendre certains de mes frères évangéliques évoquer l’œuvre missionnaire en des termes qui rappellent davantage ceux qu'emploieraient les responsables d'une firme multinationale ou d'une entreprise coloniale. J'entends parler achats de nouvelles salles, stratégies d'implantations, ratios statistiques, courbes d'évolution des dons, et même d'un lobby d'influence du CNEF au Parlement. Tout cela sous un vernis invoquant la cause de Jésus Christ - soli Deo gloria, la formule est bien commode, et n'a pas été toujours employée pour de justes causes...

Poser comme horizon à l’Église d'avoir des lieux de cultes grands, confortables, bien remplis et générant de coquettes offrandes chaque dimanche, est-ce là répondre fidèlement à l'appel du Christ ? Attention à ce que le souci du matériel n'étouffe pas la vocation spirituelle de la vie chrétienne.




"Je sais que tu passes pour être vivante, mais tu es morte" écrivait en substance l'auteur du livre de l'Apocalypse à l'église de Sardes (3 : 1).

Une église qui se soucie davantage de ses signes extérieurs de prospérité que de la sincérité de ses actes, davantage de ses offrandes que de ses actions sociales, davantage de sa bonne image que de son cœur, davantage de sa force que de son esprit, est-ce une église vivante ou un business ?


Une église qui n'est là que pour servir un "message" standardisé, dupliquant un modèle préconçu sans prendre garde au contexte ou à la société d'accueil, complaisante à l'égard des réflexes conformistes, refusant la curiosité intellectuelle et l'interrogation critique, est-ce une église vivante ou un club intégriste ?


Une église qui recherche la puissance plutôt que l'humilité, qui parle de leadership, de hiérarchie et de soumission plutôt que de fraternité et de respect des différences, qui ambitionne de faire la loi plutôt que de suivre la règle de vie du Christ, est-ce une église vivante ou un organe de propagande ?


Pour celles et ceux qui penseraient que ce constat serait quelque peu pessimiste, biaisé ou forcé, je vous invite à comparer ce que vous voyez dans vos assemblées avec ce que les Évangiles disent du Christ.


Le Christ parlait avec les Pharisiens, les Sadducéens, les Samaritains, les païens,... Avez-vous vu votre assemblée organiser une cérémonie ouverte à une autre confession que celle dont elle relève ?

Le Christ tenait une caisse pour les pauvres, prêchait dans des synagogues qui appartenaient à d'autres religieux, dans des maisons ou bien en plein air - il n'avait pas de cathédrale ou de megachurch.

Le Christ n'a pas instauré de service pastoral permanent pour influencer les autorités de la Judée - le CNEF le fait au Parlement français. Le Christ a dit de rendre à César ce qui est à César, et à Dieu ce qui est à Dieu : pas de confusion entre la religion et la politique (Luc 20 : 25).

Que l'on me comprenne bien, j'entends tout-à-fait que les chrétiens aspirent à un local digne pour que leur assemblée puisse exercer le culte, bénéficiant d'un financement nécessaire et honnêtement perçu. Il est certes vrai que les tracas administratifs sont causes d'un certain nombre de soucis pour les responsables d’Église désireux de faire de leur mieux, consacrant leur temps et leur énergie à faire en sorte que notre principe républicain de liberté de culte puisse être une réalité. Dans ces tâches honnêtes du quotidien, il n'y a rien qui prête à reproche.

Je voudrais seulement que ce billet puisse contribuer à nous mettre en garde contre les dérives de l'idéologie de la performance, qui ronge de l'intérieur notre vie en communauté.

À l'échelle d'un univers si grand, d'une humanité si diverse, croyez-moi, Dieu n'a pas attendu que tel courant évangélique implante ses petits pions pour se révéler aux êtres humains. Aucune Église n'a le monopole de la vérité, ni non plus le privilège de la grâce. Parce que l’Église et Dieu sont deux entités différentes. Comme historien, je peux voir que depuis les temps les plus reculés, toute société prête attention au sacré, qu'elle entretient des valeurs de justice, de piété, d'aspiration au salut. Alors, si je pouvais voir mes coreligionnaires évangéliques montrer un petit peu plus d'attention à ce qui se passe en-dehors de leurs murs, combien notre foi s'en trouverait plus honnête et plus belle.


Nicolas J. Preud'homme.

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